Page:Sand - Malgretout.djvu/254

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été à Monaco, et c’est là que j’ai reçu la lettre de Nouville, qui m’a fait partir à l’heure même.

— Et à présent, Abel, que concluez-vous de tout cela ?

— Que votre sœur et mademoiselle d’Ortosa sont irréconciliables, que l’une est une coquette corrompue, l’autre une coquette ingénue, et que celle-ci, votre charmante petite sœur, fera tout au monde pour vous détourner de moi ; non qu’elle veuille de moi, je ne suis qu’un pleutre de ménétrier, mais parce que toute femme coquette voit avec dépit l’amour dont elle n’est pas l’objet.

Je sentis qu’Abel me disait la vérité et jugeait bien la situation.

— Pourtant, lui dis-je, je veux en avoir le cœur net. Supposons qu’au lieu d’être enivrée par la vanité, comme il vous semble, ma sœur se soit naïvement éprise de vous ?

— Naïvement ?… après ses persiflages, ses grossièretés et ses avances ? Ce n’est pas l’amour ingénu et spontané, cela !

— Qui sait ? chez une enfant un peu gâtée ?

— Où voulez-vous en venir, Sarah ? Quand elle m’aimerait ?

— Ce serait un grand malheur pour moi, Abel !

— Le malheur de la contrarier ? Je la contrarierais bien davantage, moi, si elle vous faisait souffrir ; je la haïrais !

— Qu’elle me fasse souffrir, ce n’est rien, j’y