Page:Sand - Malgretout.djvu/271

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comme vous voulez être aimée ! Plus tard, vous m’aimerez encore plus, je le sais, mais jamais mieux, je le sens bien !

Quand nous rentrâmes au village, il était cinq heures, et j’avais résolu de partir à trois. Abel voulut courir en avant pour faire mettre les chevaux à la voiture. Je le retins, emportée par un élan irrésistible. Il tressaillit, s’arrêta, m’enveloppa du feu dévorant de son regard, et tout aussitôt il s’écria :

— Ah ! elle baisse les yeux ! C’est la première fois aujourd’hui !… Partons, Sarah ! J’ai eu de la force, mais elle est à bout, et voici le soleil qui se cache. Le vent s’élève comme hier, et comme hier mon cœur se trouble… Partons.

Il s’enveloppa de son manteau et monta sur le siège. La pluie recommença, et je souffrais de le voir ainsi ; mais il avait dit : « Ma force est à bout. » Je n’osai pas le prier de venir s’abriter près de moi.

À l’entrée de la ville, il descendit, paya le cocher, lui donna l’ordre de me conduire au chemin de fer, et, s’approchant de la portière, il me dit tout bas.

— Cet homme ne dira rien ; c’est un honnête homme, et il a compris que je vous respectais comme on respecte la femme qu’on veut épouser. Je ne vous reverrai pas avant le retour de votre père. Il m’a dit que ce serait vers le 15 de ce mois. Adieu. Je vous adore !

Il disparut, et mon cœur se brisa en sanglots. Je