Page:Sand - Malgretout.djvu/290

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brassière que j’étais en train de coudre, et, quand ma sœur entra, je la consultai sur le choix de la dentelle dont je la voulais garnir.

Ma sœur avait reconduit mademoiselle d’Ortosa jusque sur l’autre rive. Elle venait me demander quel secret elle m’avait confié.

— Rien qui doive intéresser vous ou moi, lui répondis-je ; c’est une confidence, et je dois la garder, une confidence très-puérile, et rien de plus.

— Y suis-je pour quelque chose ? dit Adda inquiète.

— Pour rien absolument.

— Pourtant, Sarah, vous êtes pâle.

— J’ai la migraine. La parfumerie de mademoiselle d’Ortosa est trop forte. Les enfants ne l’ont pas respirée, c’est l’essentiel.

Je ne savais pas ce que je disais, mais je paraissais si calme, que ma sœur ne s’aperçut pas de l’état où j’étais. C’était le calme de la mort.

Quand je fus seule, je me demandai si mademoiselle d’Ortosa ne m’avait pas fait un tissu de mensonges. Il n’y avait point d’apparence à cela. Elle avait invoqué le témoignage d’Abel, et c’était à lui que je devais demander cette chose impure, l’intensité du désir qu’une coquette avait allumé dans ses sens ! Il me fallait, moi, me représenter les agitations, les transports de cette poursuite malsaine, en peser la gravité, en tolérer l’excès, le consoler d’avoir été éconduit, le retenir près de