Page:Sand - Malgretout.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

par moi, je désirais garder son souvenir pur de reproches et de blessures mutuelles. Je savais qu’en avouant tout il se justifierait à sa manière par le repentir, par la tendresse ; mais je savais aussi qu’il aurait des accès de fureur où il me briserait en me disant que je ne l’avais jamais aimé. Je ne voulais plus m’entendre dire cela, c’eût été ma défaite. Que faire ? Je ne savais pas, je ne trouvais rien. Je ne pouvais pas fuir comme mademoiselle d’Ortosa. J’avais un enfant malade à soigner, et puis mon père, que son voyage avait beaucoup fatigué, enfin ma pauvre sœur dont l’esprit en désarroi me causait de vives inquiétudes. Je m’arrêtai au rôle passif qui m’était dévolu. J’attendis les événements, ne pouvant opposer à mon destin que la force de l’inertie.

Bientôt je reçus deux lettres.

« Je viens de rencontrer Abel à Paris, disait la première. Il y était depuis vingt-quatre heures. Il m’a dit vous avoir vue, et il compte retourner à Malgrétout le 16, c’est-à-dire dans trois jours, et, selon ses prévisions, le lendemain du retour de M. Owen. Dans le cas où ce retour serait retardé, un mot bien vite à votre fidèle et respectueux ami. — Nouville. »

Je compris ce qui s’était passé. Abel avait suivi de près mademoiselle d’Ortosa. Il s’était dit : « J’ai encore cinq jours devant moi. Je ne dois pas revoir ma fiancée tête à tête. Je suis trop excité par le