Page:Sand - Malgretout.djvu/296

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et je priais Abel de ne pas venir avant un nouvel avis de ma part. Je gagnais ainsi du temps. J’abandonnais Abel à son sort, et je dégageais le mien.

Huit jours après, Nouville m’écrivit de nouveau.

« Que se passe-t-il donc ? J’apprends que votre père n’a pas quitté de nouveau Malgré tout, et je ne vois pas Abel pour le lui dire. Je ne sais même où le prendre. Chère miss Owen, il faut que je vous parle à vous seule. Je sais que vous avez une parente à Reims, allez la voir ; dites-moi le jour, je vous rencontrerai là comme par hasard, et nous causerons. »

Je saisis sans hésiter le moyen de rupture qui se présentait. Je me rendis seule à Reims, et je mis la lettre de mademoiselle d’Ortosa sous les yeux de Nouville.

— Ceci, lui dis-je, a été le dernier coup, et la consommation de ma honte. Je n’ai même pas cette consolation à donner à ma fierté que ma rupture avec Abel ait précédé l’insulte qu’il attire sur moi. Je l’attendais encore pour le consoler au moins de mon refus, et déjà il avait suivi le météore. À présent, mon ami, je ne veux pas le haïr, je ne veux pas le mépriser. Je ne veux ni l’oublier, ni l’effacer de mes sympathies. Il sera toujours pour moi un sujet de sollicitude et un souvenir dont je ne veux garder que le charme ; mais je ne le reverrai jamais, et, si vous ne m’approuviez pas, si vous tentiez de me rattacher à lui, je croirais à