Page:Sand - Malgretout.djvu/30

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cier davantage la sagesse et les vertus de ma femme.

Vous vous rappelez mon père, ma chère Mary, et je suis sûre que vous le retrouvez tout entier dans ce naïf roman de sa jeunesse, dans cette comparaison ingénue qu’il en faisait avec la liaison peu honorable de son futur gendre.

J’étais bien ingénue moi-même à cette époque, et je me laissai convaincre. Je dus suivre l’avis de mon père et ne pas troubler l’ivresse de ma pauvre Adda par une révélation que nous aimions à croire inutile. Le passé abjuré par Rémonville nous sembla effacé et comme non avenu.

Nous avons eu tort, nous nous sommes trompés. Je le pardonne à mon père, je ne me le pardonne pas à moi-même. Il n’avait pas été, comme moi, averti intérieurement par une méfiance soudaine et une sorte d’aversion. Cette inquiétude subsistait encore en moi au moment du mariage et je fis des efforts pour la vaincre, et puis je craignis aussi de voir Adda revenir à sa jalousie. Je ne sais si je fus aveugle ou lâche. Ma conscience soutint un combat, cela est certain ; mais elle manqua de lumière parce que je manquais d’expérience. Je me suis souvent interrogée sur ce point, en véritable protestante formée au libre examen, et je suis d’autant plus convaincue que la conscience est relative à l’individu ; elle n’est donc pas suffisante sans le développement de l’esprit, sans la notion de l’idéal et