Page:Sand - Malgretout.djvu/300

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priais en vain d’ajourner. J’avais à surveiller à toute heure ma petite Sarah, de nouveau souffrante, et pour laquelle il me fallut faire des miracles d’attention et de prévoyance. Je réussis à la soustraire encore une fois à l’anémie, et ce n’est pas en courant les chasses et les bals que j’eusse pu atteindre ce résultat difficile, toujours près de m’échapper. Mon père s’était mal trouvé de son séjour à Nice. Il ne se sentait plus en harmonie avec ce monde nouveau, dont la folie et la brutalité le froissaient. Il appelait la société où Adda brûlait de se lancer une bohème titrée, et cela était juste, en ce sens que le faste y cachait beaucoup d’abîmes, moralement et matériellement parlant. Il pensait avec moi que le vrai monde était précisément celui qui n’a pas la prétention de s’appeler le monde, mais qui suffit aux besoins normaux de la vie de relations. On le trouve pour ainsi dire sous sa main, puisque partout autour de soi on peut faire choix d’un certain groupe de personnes estimables. On simplifie énormément la difficulté de les réunir et de les fixer quand on ne leur demande que la distinction du mérite personnel. Nous avions eu ce petit monde choisi avant le mariage de ma sœur : un revers de fortune m’avait exilée de ce milieu, et je commençais à m’en faire un nouveau après quelques années de séjour en province ; mais Adda trouvait ce petit cercle ennuyeux et mesquin. Elle essayait d’y attirer des personnes plus brillantes