Page:Sand - Malgretout.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passer outre. Elle n’était pas seule, une femme de chambre la suivait à peu de distance.

— Restez encore, me dit-elle d’une voix suppliante qui me fit mal. On est si malheureux seul ! Ayez pitié de moi ! Voyez ! toujours seule à présent ; on me fuit, on me craint ! Il paraît que j’ai été méchante ; mais ne peut-on me pardonner un accès de fièvre ? Je n’ai pas été méchante avec vous, n’est-ce pas ?

— Je ne m’en souviens pas, répondis-je.

Et, craignant que le souvenir de ses torts atroces envers moi ne ramenât chez elle quelque crise, je m’échappai. Comme je passais près de sa gardienne, je lui demandai tout bas si elle la croyait tout à fait égarée.

— Non, me répondit cette femme, qui avait l’air d’une personne sérieuse : mademoiselle est agitée ce soir par le voyage ; mais elle est à moitié guérie, et je crois qu’elle guérira entièrement, si elle le veut.

Le lendemain, à Malgrétout, comme j’avais laissé les enfants à leur sieste et me promenais dans notre jardin, je me vis tout à coup en face de mademoiselle d’Ortosa, qui était assise sur un banc, dans une attitude pensive. Elle paraissait absolument calme ; l’abattement de sa figure pâle était navrant. J’allai doucement à elle et lui pris la main. Elle me regarda avec étonnement, comme si elle eût oublié où elle était, et, au bout d’un instant de