Page:Sand - Malgretout.djvu/314

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— Sauvez-moi, dit-elle ; gardez-moi quelques jours auprès de vous. Je sens que vous ramenez la raison et la volonté. Faites cette œuvre de charité. Votre sœur me hait et doit se réjouir de mon désastre, mais je sais qu’elle est au Francbois pour deux semaines au moins. Vous pouvez me verser le baume de la pitié. Sans vous, je suis perdue. Gardez-moi, sauvez-moi !

Elle parlait comme Abel, et ce rapprochement m’était amer, car je n’avais ni gardé ni sauvé Abel ! mais je voyais les yeux de mademoiselle d’Ortosa s’humecter, et je me disais que, si elle arrivait à s’attendrir et à pleurer sur elle-même, elle serait peut-être à jamais délivrée de son mal ; j’étais avant tout une guérisseuse. Ses torts donnaient peut-être à ma miséricorde un ascendant que personne autre ne pouvait avoir sur elle.

— Restez, lui dis-je, mais jurez-moi que j’aurai sur vous l’autorité d’un médecin, que vous mangerez et dormirez quand je l’exigerai, et que votre esprit essayera sincèrement de suivre le régime que je lui prescrirai.

Elle promit avec effusion, et je renvoyai le cocher de louage qui l’avait amenée. On ne sut pas, pendant plusieurs jours, au Francbois, ce qu’elle était devenue, et on ne se donna aucun soin pour le savoir. On se réjouissait probablement de n’avoir plus à s’occuper d’elle.

Quand mon père rentra pour le dîner, il fut sur-