Page:Sand - Malgretout.djvu/34

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moi, c’est-à-dire chez lui. Adda fut effrayée de cette séparation : elle aimait Paris et ne supportait la campagne qu’à deux heures de chemin de la banlieue. Mon père au contraire aimait la vraie campagne, l’absence de bruit, la vie d’étude, de recueillement et de liberté. Ma sœur se rendit à cette considération et se consola en pensant que nous reviendrions passer les hivers auprès d’elle. C’était notre intention, mais je voulais que mon père n’y fût pas forcé.

Je m’occupai donc activement d’acheter une propriété qui réalisât les aspirations de mon père, et, feignant d’être indécise, je m’attachai à deviner ses préférences ; cela était assez difficile, il ne voulait s’occuper que des miennes. Enfin je réussis à savoir qu’en voyageant de Charleville à Givet avec ma mère, il avait été frappé de la beauté du pays, et qu’il se fût volontiers établi dans cette région, si la santé de sa femme n’eût exigé un climat plus chaud et un air moins vif. Dès lors, mon choix fut fait. Il y avait, entre deux des stations du chemin de fer qui côtoie la Meuse, une très-belle villa au bord du fleuve. C’est cette résidence de Malgrétout que j’ai achetée cher pour en prendre possession tout de suite, d’où je vous ai écrit plusieurs fois, car j’y ai passé plusieurs étés, et d’où je vous écris encore, car m’y voilà revenue probablement pour toujours.

La Meuse s’encaisse ici dans de hautes falaises à mesure qu’elle approche des grands cirques décrits