Page:Sand - Malgretout.djvu/47

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en est effectivement le seul habitant, sa maisonnette est tellement cachée derrière les palissades enguirlandées et les arbres fruitiers qu’on la voit à peine. Quelques rares voyageurs viennent encore, dans l’arrière-saison, visiter les Dames de Meuse. Ils descendent en bateau la distance entre deux stations du railway, déjeunent chez les pêcheurs dont les maisonnettes sont en avant du pont, vont à pied regarder le site et se hâtent de reprendre le convoi suivant à la station de Laifour. Pour peu qu’on descende la Meuse au-dessous des Dames, on est sûr de ne jamais rencontrer personne.

Le père Morinet (le vieux jardinier propriétaire) nous fit grand accueil et prit Sarah dans ses bras pour lui faire atteindre elle-même les plus belles grappes de ses treilles gracieusement enroulées sur les murs de sa cabane. Je l’aurais offensé, car il était très-fier, si j’eusse refusé d’emporter, en présent pour ma sœur, un beau panier de ses fruits qu’il alla remettre à mon batelier.

Sarah ne voulait pas rentrer encore, c’était la première fois qu’elle voyait les Dames de Meuse, et je doute qu’elle fût sensible à la grandeur du site ; mais on lui avait souvent refusé de l’y mener parce que c’était très-loin, et une demi-lieue de navigation lui semblait un grand voyage. Elle était orgueilleuse de se promener sur cette terre lointaine, et voulait raconter à sa petite mère qu’elle avait été jusqu’au tournant de la grande montagne. Elle avait