Page:Sand - Malgretout.djvu/66

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Il s’en alla brusquement sans me saluer et sans paraître se souvenir que je fusse là.

Mon père le conduisit à sa chambre, et j’attendis mon père pour savoir si notre hôte n’était point gravement malade. Tout en rangeant les cahiers sur le piano, encore tremblante et bouleversée, je me persuadai que ce qui venait de se passer pouvait avoir une explication qui dégageait ma personnalité. L’excessive animation que le maestro nous avait montrée n’était peut-être ni l’effet de son engouement pour moi, ni l’habitude de son organisation ; ce pouvait être simplement un cas d’insolation, un accès de fièvre. Il avait paru ne se souvenir de rien en me quittant, peut-être avait-il plus besoin de quinine que de tendresse.

Cette conclusion s’évanouit lorsque mon père me dit que le maestro tombait de sommeil et n’était nullement malade. Je ne pouvais lui raconter ce qui s’était passé entre l’artiste et moi, puisque mon père ignorait mon intervention dans les affaires de son gendre. Je me bornai à lui dire que ce jeune homme me paraissait trop exalté pour être un caractère sérieux, à moins qu’il ne fût dans un état d’esprit exceptionnel, de malaise ou d’ivresse.

— Ma chère enfant, répondit mon père, vous ne connaissez pas les artistes. Je vous ai raconté mon inutile et absurde entraînement pour une cantatrice en renom dans ma jeunesse. Attaché à ses pas, j’ai plusieurs fois pénétré dans le milieu qui l’en-