Page:Sand - Malgretout.djvu/85

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toujours : « Vous vous moquez ! » mais ta voix tremblait, ma chère, et, s’il a été dupe de ton incrédulité, il faut qu’il soit fort ingénu, ce que je ne suppose pas. Moi, j’en avais entendu assez, mon père redescendait par l’autre escalier. J’ai été me recoucher sans bruit, et voilà comment je sais que M. Abel est épris de toi, et toi…

— Fais-moi grâce de la conclusion ! C’est vraiment me supposer trop inflammable. M. Abel est parti fort tranquillement et très-persuadé de l’insuccès de sa déclaration, si tant est qu’il se souvienne de l’avoir débitée.

— Tu crois qu’il est parti ? Moi, je n’en crois rien. Il sera ici ce soir ou demain, plutôt ce soir, à l’heure des sérénades.

J’avais repris possession de ma volonté et de ma raison. La curiosité et les moqueries d’Adda m’y aidaient. Elles n’étaient pas très-bienveillantes, mais elles portaient juste, et ma fierté recevait une leçon utile, méritée peut-être. Je pris le parti de rire avec elle de l’aventure, et elle s’adoucit.

— Après tout, me dit- elle, je ne sais pas pourquoi, si cet homme était sérieux, tu ne serais pas flattée de sa recherche. Je ne sais d’où il sort, mais on n’est pas un homme de rien quand on a tant de réputation et de succès dans le monde. On le dit honnête homme, et son étrangeté ne l’empêche pas d’avoir de l’usage et un certain esprit. Ne crois pas que je l’aie pris en grippe ; ce