Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/142

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s’en vont à pied, les poches vides ; il y en a qui vous abordent et qui vous demandent presque l’aumône d’une place dans votre voiture pour regagner Nice. Les suicides ne sont point rares. Les garçons de l’hôtel ont l’air de mépriser profondément ceux qui ont perdu, et à ceux qui se plaignent d’être mal servis ils répondent en haussant les épaules :

— Ça n’a donc pas été ce soir ?

On dîne comme on peut dans une salle immense encombrée de petites tables que l’on se dispute, assourdi par le bruit que font les demoiselles à la recherche d’un dîner et d’un ami qui le paie. On retourne un instant aux salles de jeu pour y guetter quelque drame. Moi, je n’y peux tenir ; la puanteur me chasse. Nous courons au rivage, nous gagnons la ville qui s’élance en pointe sur une langue de terre délicieusement découpée au milieu des flots. Elle aussi, cette pauvre petite résidence, semble vouloir fuir le mauvais air du tripot et se réfugier sous les beaux arbres qui l’enserrent. Nous montons au vieux château sombre et solennel. La lune lui donne un grand air de tragédie. Le palais du prince est charmant et nous rappelle la