Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/296

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mais ils manquent tout à fait de cette finesse de tons et de cette grâce de contours qui caractérisent les essences forestières de nos climats. Les cyprès monumentaux de la villa Mandragone, à Frascati, ont, à coup sûr, un grand caractère ; mais ces plantes à centuple tige, réunies en faisceau comme des colonnettes sarrasines, ressemblent trop à de l’architecture. Ils sont si noirs qu’ils font tache dans l’ensemble. La brise ne les caresse point, la tempête seule les émeut. Aussi, quand, aux approches du Clitumne et de l’Arno, on revoit les peupliers et les saules, on croit reprendre possession de l’air et de la vie. En Provence, on se croit encore un peu trop en Italie et pas assez en France ; mais, quand on gagne nos provinces du Centre, moins riches de grands mouvements du sol, on est dédommagé par l’abondance et la tranquille majesté de la végétation. Les noyers énormes des bords de la Creuse sont mille fois plus beaux que les beaux orangers de Majorque, et il semble que, dans la variété harmonieuse de nos arbres indigènes, les tilleuls, les érables, les trembles, les aunes, les charmes, les cormiers, les frênes, etc., il y ait quelque chose qui ressemble à l’intelligence étendue