Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/352

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La popularité est la chose la plus enviée des temps de révolution ; on oublie alors que c’est la plus trompeuse et la plus funeste. On la redoute chez les autres, on la voudrait pour soi. Tout homme se flatte d’en user à sa guise ! Patureau savait bien le contraire. Il se voyait alors débordé. Un agitateur assez mystérieux dont j’ai oublié le nom, et qui, depuis, a inspiré de grands doutes sur le but de sa véritable mission, travaillait les esprits et passionnait la masse. Ces choses se perdirent et s’effacèrent dans les événements du 15 mai.

Jusqu’en 1852, Patureau continua à tailler la vigne. Sa vie était rude, il ne trouvait pas d’ouvrage chez les gens de certaines opinions, et il avait une nombreuse famille à soutenir. Je lui confiai la création d’un vignoble, et il tira d’un terrain stérile et abandonné une plante modèle produisant le meilleur fruit de la localité. Il se louait aussi à la journée pour les autres travaux de la terre. Il conduisait nos moissons comme chef dirige, c’est-à-dire tête de sillon, et par son ardeur, sa force et sa gaieté, il stimulait et charmait les autres moissonneurs. On oubliait l’heure de la sieste pour l’écouter parler des