Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Oui, dites-moi tout !

— Eh bien, mon gars, tu ne réussiras point, si tu continues à vouloir plaire à Impéria.

Et, comme, surpris de la pénétration de l’hercule, je tressaillais en posant mon verre, il ajouta en attachant ses yeux pâles et fixes sur les miens :

— Ça t’étonne, que Moranbois voie plus clair que tes autres ? C’est comme ça, il voit tout. Tu es coiffé de cette demoiselle, tu es avec nous pour être auprès d’elle. C’est une mijaurée difficile et une vraie cabotine, qui ne voit que le succès. Quand on ne travaille pas pour le seul plaisir de bien faire, on travaille mal, voilà, et, quand on a une femelle dans la trompette, on ne fait que des bêtises. Je t’ai averti, suffit, je n’ai plus rien à te dire.

Et il me quitta sans me permettre de répliquer.

J’eus le loisir de peser les tristes conséquences de ma mésaventure, car je ne fermai pas l’œil de la nuit. Ma défaite prit naturellement à mes yeux des proportions insensées. L’insomnie est un verre grossissant qui dessine sur les parois du cerveau des cheveux à l’état de poutres et des fourmis à l’état d’hippopotames. Je ne m’assoupissais que pour m’éveiller en sursaut sous une grêle de