Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/33

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peu de mes forces ; tantôt je voudrais les conserver pour m’élancer à la poursuite de mon rêve, tantôt je voudrais les éteindre pour l’oublier.

Tout le monde peut vous dire dans le pays que je suis très-bon, très-loyal, très-discret et très-dévoué. Seulement, les bourgeois me reprochent de n’avoir pas d’ambition et pas d’état, comme si ce n’en était pas un de cultiver la terre !

Mon père est aisé dans la mesure de ses besoins, il a une vingtaine de mille francs placés, et je ne lui ai jamais fait payer la dette la plus minime. Moi, j’avais hérité dix mille francs de ma mère. Je les ai mangés, voici comme.

Après avoir passé mes examens de baccalauréat à Paris et salué mon oncle en Normandie, je revins ici pour demander à mon père ce qu’il souhaitait que je fisse.

— Il faut retourner à Paris, me dit-il, il faut y devenir avocat ou magistrat. Tu parles facilement, tu ne peux manquer de devenir un grand parleur. Étudie la loi. Je sais qu’il faut une dizaine de mille francs pour vivre là-bas quelques années. Je vendrai la moitié de mes biens. Si je manque, étant vieux, tu t’occuperas de ne pas me laisser sans pain.