Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/124

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J’obéissais alors à mon puissant vainqueur,
Je chantais mon amour, il débordait mon cœur.
L’amour me rendait fier, il élevait mon âme ;
Il me semblait qu’en vers je peindrais mieux ma flamme.
Ma belle me comprit, avec peine pourtant ;
Je sus l’intéresser, aussi je l’aimais tant !
Elle distinguait bien un œillet d’une rose.
Mais ne démêlait point les vers d’avec la prose.
Lecteur n’en riez pas ; on ignore au hameau
L’art qu’enseignait Horace, et qu’on lit dans Boileau.
Elle ne connaissait que son dé, ses aiguilles.
Mais cela dura peu, l’esprit vient vite aux filles.
Bientôt elle daigna me donner des avis,
Elle m’en donne encor ; parfois ils sont suivis.

Une fois marié, ma lyre suspendue
Resta pour quelque temps muette et détendue,
Un travail obstiné dévorait tout mon temps.
Un enfant, sans manquer, m’arrivait tous les ans.
On sait qu’à l’indigent cette aubaine est commune :
Il ne s’en plaint jamais, bien loin : c’est sa fortune ;
Économe, assidu, borné dans ses besoins.
C’est de tous les revers celui qu’il craint le moins.
Sa famille s’accroît, il n’en est pas plus triste.
Il veille un peu plus tard, et le boa Dieu l’assiste.

C’est mon histoire à moi ; mais pendant les hivers
Ma muse auprès du feu soupirait quelques vers ;
Beaucoup se sont perdus, j’ignorais que ma lyre
Modulait des accords qu’un jour on voudrait lire.
Ils ne sont pas le fruit du travail, du savoir ;
Obscurs délassements de mes heures du soir,
Je les ai rassemblés pour en former ce livre.
Et ce n’est qu’en tremblant qu’au public je le livre.

M. A. — À la bonne heure, ceci est simple, et parfois d’une élégance qui rachète les incorrections. La naïveté m’en plaît. Un caractère aimant et enjoué s’y révèle. Voyons, faut-il continuer ?