Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/131

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collége de Meaux, offre l’exemple de la même facilité ingénieuse et de la même modestie. Dans cette pièce, comme dans plusieurs autres, Magu raconte les combats de son âme, partagée entre le besoin de s’instruire et celui de gagner sa vie, son effroi devant la cécité qui menace son existence et celle de sa famille. Puis toujours la résignation, une résignation enjouée et pleine d’espérance et de tendresse, vient couronner sa plainte douce et profonde.

Parcourons ensemble le Rêve du poëte tisserand :

Je rêvais cette nuit dernière,
(Les poètes rêvent toujours)
Que, possesseur d’une chaumière,
Je pouvais y finir mes jours.
Quoiqu’elle ne fût pas bien grande,
Y tenait tout mon mobilier,
C’est tout autant que j’en demande ;
Mais n’allez pas me réveiller.

Auprès était une fontaine.
Qu’ombrageaient des saules bien verts ;
Comme l’eau de cet Hippocrène,
Bientôt vous coulerez mes vers.
Et déjà je choisis la place
Ou mon luth viendra s’essayer ;
De la France je suis l’Horace ;
Mais n’allez pas me réveiller.

Au jardin (cela va sans dire,
Point de chaumière sans jardin)
J’entre, quel parfum j’y respire !
Partout la rose et le jasmin.
Pas de jets d’eau, ni de statues ;
La nuit ça pourrait m’effrayer ;
J’y vois des oignons, des laitues ;
Mais n’allez pas me réveiller.