Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/149

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M. A. — Qui en doute ? vous êtes bien bon d’en convenir !

M. Z. — Je tenais à vous faire voir que je ne suis pas de ceux qui le nient ; et ceci me conduit à vous dire que les jugements précipités de Voltaire en littérature ne sont pas sans appel aux yeux de la postérité, puisque cet homme de génie cassait lui-même les arrêts de sa haine, comme ceux de sa critique, dans de brûlants retours sur lui-même. Vous savez bien, vous son Séide, avec quelle adorable naïveté, pleine d’un dépit comique et d’une bonne foi grondeuse, il se sentait parfois contraint de se rétracter. Rappelez-vous son obstination à condamner la Fontaine comme un plat auteur, bon tout au plus pour les vieilles femmes et les petits enfants ; et son emportement un jour que, tenant le livre dans sa main, il voulait examiner les fables une à une, et démontrer qu’il n’y en avait pas une qui fût supportable. Après en avoir lu une douzaine sans en pouvoir trouver les défauts, il jeta le volume par terre avec fureur en s’écriant : Ce n’est qu’un ramas de chefs-d’œuvre ! Savez-vous que ce mot de Voltaire prouve tout ce que je veux vous prouver ? C’est qu’avec un goût sûr et une vive intelligence du beau et du vrai, il jugeait à la légère, et s’abandonnait à des préventions qu’il eût rétractées, si, pour chacun des hommes et chacune des choses ainsi condamnés, on eût pu lui faire retrouver un de ces moments d’attention, de bonne foi, ou de sincérité, qui lui firent jeter par terre le ramas de chefs-d’œuvre et ouvrir ses bras et son cœur pour y recevoir l’abominable M. Rousseau, chassé à juste droit de toute la terre ?

M. A. — Je vois où vous voulez en venir. Vous