Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/160

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Un de ces mignons de nature
Qui prennent tout sans donner rien,
Ma foy, je m’en mocquerai bien.
Si jamais je suis en la barque
Avec un avare monarque.
Tandis que le vieillard Caron
Nous passera sur l’Achéron,
Je luy feray bien reconnaître
Qu’il n’aura plus le nom de maistre ;
Ne pouvant alors m’abstenir,
Pour me venger et le punir.
De luy remettre en la mémoire
La décadence de sa gloire.
Là, sans crainte de la grandeur
Et de sa royale splendeur
Dont il cherissoit tant l’usage.
Je luy rendray ce beau langage ;
Prince misérable et confus
Qui n’es plus de ce que tu fus
Qu’une triste et malheureuse oumbre
Qui va multiplier un nombre
Où tel qui ne t’osoit parler,
Lorsque tu fesois tout trembler
Sous ton orgueilleuse puissance,
Méprisera la connaissance,
Toy qui jadis, chez les mortels,
Prenois l’encens et les autels
Qu’on doit aux Déités supresmes.
Et qui, tout ceint de diadesmes
Tenois un pouvoir en tes mains
Qui fesoit trembler les humains ;
Dedans cette chute fatale
Qui dans ce bateau nous esgale.
Ne sens-tu pas que tu reçois
La mort une seconde fois,
Par le ressouvenir funeste
D’en avoir tant laisse de reste.
Et n’avoir plus pour tout support
Qu’un denier pour passer le port ?
Lorsque tu goutois en la vie