Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/183

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ne la désirent. Il faut que vous demandiez à Dieu la vérité, et à vous-mêmes l’amour et la vertu nécessaires pour en suivre les inspirations. Quand vous en serez là, soyez sûrs que les réformes sociales s’accompliront pour ainsi dire d’elles-mêmes, que vos ennemis seront impuissants pour vous les refuser, qu’ils ne l’essaieront même pas ; tandis que vos amis, ces hommes de l’opposition, qui ne peuvent rien ou presque rien aujourd’hui, inspirés alors et enflammés par vous, trouveront facilement ces moyens politiques qui doivent vous faire asseoir tous ensemble au banquet de l’égalité.

Mais on dit que ce sera si long cette éclosion du germe divin dans vos âmes ! on dit que vous êtes si loin de savoir vous servir de la force sans en abuser ! on dit qu’il faudra tant de siècles avant que vous n’ayez plus besoin d’être conseillés et conduits par les classes aujourd’hui réputées supérieures ! Le croyez-vous ?

moi je ne crois pas, et vous ne devez pas le 

croire. Il me semble que votre cœur bat dans ma poitrine, et je sens bien qu’il a des pulsations si fortes et si rapides, que l’aiguille des heures a peine à la suivre sur le cadran du siècle.

Non, non, le jour du Seigneur n’est pas si loin qu’on vous le dit, n’en croyez pas les apparences sinistres et passagères. L’âme voit dans l’avenir, les yeux n’y voient pas. Ne vous laissez glacer d’effroi ni par les vices d’en haut ni par ceux d’en bas. Le mal tend à disparaître de la terre, et il ne faut pas tant de travail qu’on se l’imagine pour le mettre en fuite. Un jour d’enthousiasme divin, un élan de charité fraternelle suffisent pour faire crouler l’œuvre des siècles maudits. L’Évangile se produisit dans l’ombre ; il marcha