Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/242

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Qu’on ne dise donc pas que c’est une barbarie de vouloir associer ces prétendus barbares aux grandes jouissances de l’art. C’est calomnier la nature humaine dans ce qu’elle a de plus pur. Il faut initier le peuple comme on initie un enfant de grande espérance, objet d’une grande sollicitude. Il ne faut lui donner que de belles choses, et ne jamais croire qu’il y ait rien de trop beau ou de trop sérieux pour lui.

Ce peuple de France, surtout, est né artiste. Chez nous l’artisan n’est pas seulement un ouvrier ; il porte du goût, de l’harmonie et de l’idéal dans les plus humbles travaux de l’industrie. Les étrangers le savent bien, et les produits de nos arts industriels servent de modèles dans toute l’Europe.

Artistes, ouvrez vos trésors, et ne vous méfiez pas des âmes où ils vont se répandre. Chaque jour vous serez surpris et charmés d’avoir dans les masses un élève collectif, instrument aux innombrables cordes, dont aucune ne sera muette au souffle de votre génie. C’est là qu’avec le temps vous trouverez des juges sûrs et des critiques impartiaux. C’est là où vous rencontrerez des sympathies qui vous dédommageront de l’injustice ou de l’ingratitude de votre ancien public.

15 avril 1848.