Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/25

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donne un vrai sentiment de l’art, sur le mérite de ces deux grandes artistes. Nous avons recueilli quelques-unes de ces causeries d’entracte, triomphe moins immédiat et moins enivrant pour les acteurs que les applaudissements de la représentation ; succès plus flatteur et plus solide, parce qu’il est établi sur des impressions plus profondément recueillies, plus religieusement conservées.

Naturellement l’esprit des juges s’est reporté sur les divers succès qu’ont obtenu, mademoiselle Mars dans le cours d’une longue et brillante carrière ; madame Dorval dans la période de quelques années de triomphes, récompense tardive d’un talent trop longtemps ignoré ou méconnu. Parmi ces juges, soit délicatesse d’affection, soit sentiment exquis de la politesse, aucun ingrat n’a reproché à mademoiselle Mars d’avoir usé trop longtemps du privilège de sa gloire. Tous étaient pénétrés d’une sorte de respect naïf pour cette grande renommée que tous n’ont pas vu briller dans son plus vif éclat, mais dont tous ont senti le reflet encore chaleureux et beau. Nul n’a donc songé à faire à madame Dorval un mérite de sa jeunesse au détriment de mademoiselle Mars : on aime trop madame Dorval aujourd’hui pour ne pas sentir qu’on l’aimera encore dans vingt ans, et qu’on la perdra le plus tard possible. Ne désirons-nous pas tous qu’elle suive l’exemple de mademoiselle Mars, et qu’elle hésite longtemps à recevoir de son public la couronne des adieux ?

Abstraction faite d’une différence d’âge qui ne constitue de préséance à l’une qu’au jugement des yeux, mais où l’esprit et le cœur n’entrent pour rien dans l’arrêt du spectateur, d’assez chaudes discus-