Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/300

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tion. Les grands esprits ne peuvent pas être exclusifs ; ils sentent tout ce qui est beau, et peu leur importent les manières pourvu que le génie ou le talent s’en serve. Shakespeare, qui est le grand pan de la littérature, a chanté sur tous les modes, depuis l’obscène jusqu’au sublime.

Les réalistes prenaient donc à tâche de s’amoindrir, en voulant amoindrir tout ce qui n’était pas à leur gré.

Quand ils ont raillé le style de certains maîtres et le point de vue réaliste en général, ils ont soulevé une question que ni eux ni personne ne pourra résoudre, et e^tte question la voici : doit-on dorer et diamanter le style, ou doit-on le laisser aller à l’imprévu et à l’entrain négligent de la conversation ? On ne peut répondre qu’en passant à côté de toute théorie. Je crois, pour ma part, que l’on doit dorer et diamanter quand on sait le faire et quand on le fait bien ; de même, on doit être simple quand on sait l’être, et l’un n’est pas plus facile que l’autre.

Quoi ? vous voudriez faire passer toutes les individualités sous la toise ? Vous déclarez qu’on ne peut peindre qu’avec un seul ton ? Vous dressez un vocabulaire, et on est hors du vrai si on n’élague pas des langues tout ce que le génie et la passion des races humaines y ont apporté de nuances fortes et brillantes ? Vous déclarez que le beau n’existe pas dans les arts et qu’il n’y a que le terre à terre !

Vous le dites, mais vous ne le pensez pas, car vous vous laissez aller à admirer le beau dans la nature, et, s’il est dans la nature, il est dans l’ame de l’homme et dans le sentiment de l’artiste.

Tel fut le résumé de la conservation de la Châtre à