Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/338

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que ce ne sont point là des milieux bien appropriés au développement du genre de progrès qu’on les somme de réaliser.

Puisqu’il s’agit pour elles de ramener les bonnes mœurs et le charme de l’urbanité française par les grâces de l’esprit, par l’empire de la raison et par la douceur des relations, voyons si l’Académie française doit leur prêter l’appui de son autorité morale. Eh bien, nous pensons qu’il est trop tard et que l’Académie ne peut donner ce qu’elle n’a plus. Elle a perdu l’occasion en n’appelant pas à elle madame de Staël et ensuite Delphine Gay, cette jeune et belle muse qui réalisa un peu le type de Corinne. L’Empire et la Restauration permettaient encore ces quelques heures de recueillement, où l’on pouvait juger, sans passion, des ouvrages inspirés par le sentiment pur. Aujourd’hui, l’Académie éprouve le besoin de contenir tout ce qui lui paraît belliqueux ; demain peut-être, elle éprouvera celui de se rajeunir par des aspirations contraires ; mais, dans cette balance agitée par les orages du dehors, elle ne peut plus peser le mérite intrinsèque de l’art, et elle y renonce avec une certaine vaillance dont nous ne lui savons pas mauvais gré, puisqu’elle nous affranchit en s’affranchissant elle-même.

Que gagneraient donc les femmes à être enrôlées dans cette phalange, dont le drapeau est un drapeau de guerre ? Si leur mission est mission de concorde et d’amour, laissons-leur l’illusion de la pureté des eaux de Castalie, ou disons-leur franchement que cette source ne peut plus couler pour elles. Ils faut qu’elles rêvent encore un paradis poétique en dehors de ce monde, ou qu’elles abordent résolûment le problème