Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/36

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tuel (les peuples aux divers âges de la civilisation, donner la clef des grands événements qui sont encore proposés pour énigmes aux érudits de notre temps.

Et cependant ces œuvres dont la poussière est secouée avec empressement par les générations éclairées et mûres des temps postérieurs, ces monodies mystérieuses et sévères où toutes les grandeurs et toutes les misères humaines se confessent et se dévoilent, comme pour se soulager, en se jetant hors d’elles-mêmes, enfantées souvent dans l’ombre de la cellule ou dans le silence des champs, ont passé inaperçues parmi les productions contemporaines. Telle a été, on le sait, la destinée d’Obermann.

À nos yeux, la plus haute et la plus durable valeur de ce livre consiste dans la donnée psychologique, et c’est principalement sous ce point de vue qu’il doit être examiné et interrogé.

Quoique la souffrance morale puisse être divisée en d’innombrables ordres, quoique les flots amers de cette inépuisable source se répandent en une multitude de canaux pour embrasser et submerger l’humanité entière, il y a plusieurs ordres principaux dont toutes les autres douleurs dérivent plus ou moins immédiatement. Il y a : 1° la passion contrariée dans son développement, c’est-à-dire la lutte de l’homme contre les choses ; 2° le sentiment des facultés supérieures, sans volonté qui les puisse réaliser ; 3° le sentiment des facultés incomplètes, clair, évident, irrécusable, assidu, avoué : ces trois ordres de souffrances peuvent être expliqués et résumés par ces trois noms ; Werther, René, Obermann.

Le premier tient à la vie active de l’âme et par conséquent rentre dans la classe des simples romans. Il