Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ergoteur voltairien qu’un poétique sentiment de la nature rappelle à la tranquille majesté de l’élégie. Si les beautés descriptives et lyriques de son poëme sont souvent troublées par l’intervention de la discussion philosophique ou de l’ironie mondaine, la gravité naturelle de son caractère, le recueillement auguste de ses pensées les plus habituelles lui inspirent bientôt des hymnes nouveaux, dont rien n’égale la beauté austère et la sauvage grandeur.

Cette difficulté de l’expression dans la dialectique, subtile, cette mesquinerie acerbe dans la raillerie, révèlent la portion infirme de l’âme où s’est agité et accompli le poëme étrange et douloureux d’Obermann. Si parfois l’artiste a le droit de regretter le mélange contraint et gêné des images sensibles, symboles vivants de la pensée, et des idées abstraites, résumés inanimés de l’étude solitaire, le psychologiste plonge un regard curieux et avide sur ces taches d’une belle œuvre, et s’en empare avec la cruelle satisfaction du chirurgien qui interroge et surprend le siége du mal dans les entrailles palpitantes et les organes hypertrophiés. Son rôle est d’apprendre et non déjuger. Il constate et ne discute pas. Il grossit son trésor d’observations de la découverte des cas extraordinaires. Pour lui, il s’agit de connaître la maladie ; plus tard, il cherchera le remède. Peut-être la race humaine en trouvera-t-elle pour ses souffrances morales, quand elle les aura approfondies et analysées comme ses souffrances physiques.

Indépendamment de ce mérite d’utilité générale, le livre d’Obermann en possède un très-littéraire, c’est la nouveauté et l’étrangeté du sujet. La naïve tristesse des facultés qui s’avouent incomplètes, la touchante