Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ensemble. Vous avez bien senti la douleur et l’indignation, quand vous avez dit :

Alors, par la vertu, la pitié m’a fait homme ;
J’ai conçu la douleur du nom dont on la nomme.
J’ai sué sa sueur, et j’ai saigné son sang.
Alors j’ai bien compris par quel divin mystère
Un seul cœur incarnait tous les maux de la terre.
Et comment, d’une croix jusqu’à l’éternité,
Du cri du Golgotha la tristesse infinie
Avait pu contenir seul assez d’agonie
Pour exprimer l’humanité !
· · · · · · · · · · · ·

Oui, j’ai trempé ma lèvre, homme, à toutes ces peines,
Les gouttes de ton sang ont coulé de mes veines ;
Mes mains ont essuyé sur mon front tous ces maux.
La douleur s’est faite homme en moi pour cette foule ;
Et comme un océan où toute larme coule,
    Mon âme a bu toutes ces eaux !

Que vous dirais-je que vous n’ayez dit vous-même en mille endroits avec une magie d’expression, un élan d’enthousiasme et de conviction qui n’appartient qu’à vous ? Non, vous ne pensez pas que le stoïcien des anciens jours soit le juste milieu entre les destructeurs aveugles et les conservateurs stupides. Vous savez que ce juste ne doit pas être un milieu, mais un lien, un complément, un troisième terme qui féconde les deux autres, retenant l’un, pressant l’autre, les vivifiant tous deux, et que par conséquent l’homme politique ne doit pas passer tout seul dans sa gloire et dans sa majesté entre les partis, mais les prendre et les porter tous dans ses entrailles pour