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Page:Sand - Simon - La Marquise - M Rousset - Mouny-Robin 1877.djvu/266

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ponts rustiques que vous ne franchiriez peut-être pas sans un peu d’émotion, car ils ne sont rien moins que solides et commodes ; quelque vieille filant sa quenouille, accroupie derrière un buisson, tandis que son troupeau d’oies maraude à la hâte dans le pré du voisin ; voilà les seuls accidents de ce tableau rustique. Je ne saurais vous dire où en est le charme, et pourtant vous en seriez pénétré, surtout si, par une nuit de printemps, un peu avant les fauchailles, vous traversiez ces sentiers de la prairie où l’herbe, semée de mille fleurs, vous monte jusqu’aux genoux, où le buisson exhale les parfums de l’aubépine, et où le taureau mugit d’une voix désolée. Par une nuit de la fin d’automne, votre promenade serait moins agréable, mais plus romantique. Vous marcheriez dans les prés humides, sur une grande nappe de brume blanche comme l’argent. Il faudrait vous méfier des fossés grossis par le débordement de quelque bras de la rivière, et dissimulés par les joncs et les iris. Vous en seriez averti par l’interruption subite des croassements des grenouilles, dont votre approche troublerait le concert nocturne. Et si par hasard vous voyiez passer à vos côtés, dans le brouillard, une grande ombre blanche avec un bruit de chaînes, il ne faudrait pas vous flatter trop vite que ce fût un spectre ; car ce pourrait bien être la jument blanche de quelque fermier, traînant les fers dont ses pieds de devant sont entravés.

Le plus mystérieux et le plus pittoresque de ces moulins cachés sous le feuillage et abrités par le versant rapide du coteau d’Urmont (eh ! mon Dieu, si quelque rustique habitant de notre Vallée Noire était là pour m’entendre prononcer ce nom, vous le verriez dresser l’oreille comme un cheval ombrageux), le plus joli, dis-je, de ces moulins, celui qui fut jadis le plus prospère et qui désormais ne l’est plus, c’est le moulin Blanchet. Hélas ! il n’a