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Page:Sand - Simon - La Marquise - M Rousset - Mouny-Robin 1877.djvu/276

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ce taillis ; vous, vous allez suivre par en bas, et vous n’entrerez pas sous bois ; autrement, tout ira mal.

Nous étions habitués à ses façons de parler : nous suivîmes la lisière du bois, comptant qu’il allait en faire sortir quelque lièvre de sa connaissance ; mais il n’en sortit rien, et au bout d’un quart d’heure, nous le vîmes revenir à nous dans un état, singulier de trouble et d’agitation. Il tremblait de tous ses membres et semblait brisé de fatigue, de souffrance, ou d’effroi. Sa blouse était souillée de terre, et ses cheveux remplis de brins de mousse, comme s’il eût été terrassé dans une lutte violente. Son front était ruisselant de sueur, et cependant ses dents claquaient de froid. — Eh bien ! qu’est-ce donc, s’écria mon frère, est-ce que tu viens de te colleter avec l’autorité ?

Nous n’avions entendu aucun bruit ; mais, comme nous chassions la plupart du temps sans port d’armes et hors de saison, en véritables apprentis braconniers, nous pouvions faire la rencontre de quelque gendarme, garde champêtre, ou de tout autre fonctionnaire public, et nous nous apprêtions à prendre le large, lorsque Mouny nous arrêta. — Rien, rien ! nous dit-il d’une voix éteinte, ce n’est rien ! — Et faisant un grand effort, il se secoua comme un homme qui chasse une vision, essuya son front, empoigna son fusil d’une main qui tremblait encore, et s’écria, comme s’il eût été inspiré : — Tout va bien, mes amis ! nous allons faire une bonne chasse ! Il y aura de beaux coups de fusil. — Puis, reprenant son air doux et narquois : — Vous, dit-il à mon frère, vous ne rentrerez pas sans plumes à la maison ; et quant à toi , ajouta-t-il en me regardant, tu verras pour la première fois de ta vie tomber deux lièvres du même coup.

— Et qui fera ce beau coup ? demandai-je.

— Quelqu’un qui s’appelle Mouny-Robin et qui se moque de bien des choses, répondit-il on secouant la tête.