Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/13

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Sous ce rapport, le Philosophe sans le savoir est bien véritablement son chef-d’œuvre, et je ne trouve pas que, excepté M. Planche, aucun des critiques qui ont parlé dernièrement de la reprise de cette pièce l’ait appréciée comme elle le mérite. On a dit que c’était une bonne petite vieillerie charmante, un tableau d’intérieur flamand bien suave, bien frais, et d’une harmonie bien agréable à regarder pour reposer la vue après les tons criards de la moderne littérature dramatique. Tout cela est vrai, mais cela n’est pas tout. Il y a plus que de la fraîcheur, plus que de la naïveté, plus que de l’harmonie dans le tableau de Sedaine ; il y a, je le répète, de la véritable grandeur. Où est-elle ? dans la forme ? Non, car il n’y a pour ainsi dire pas de forme comme on l’entend de nos jours. Dans la couleur ? Non. La couleur est bonne sans être belle précisément. La grandeur est dans les types. Ces types ne sont pas des types flamands, j’en demande pardon aux critiques, ils sont français et bien français. Ce sont les derniers bons Français du XVIIIe siècle, s’élançant, avec tant de calme qu’on ne s’en aperçoit pas d’abord, vers le siècle nouveau. Le calme, c’est la force ; mais ce ne sont pas là des fumeurs paisibles, absorbés dans la douceur du repos et dans le bien-être de la vie intérieure. Ce sont des hommes bien trempés, qui luttent contre les fausses idées de leur siècle, tout en conservant avec la même fermeté les idées éternellement bonnes et vraies. On respire l’honneur, le courage et la générosité dans l’atmosphère de M. Vanderke. On sent que rien de grand et de fort ne sera impossible dans cette famille ; et, en présence de ce chaste amour de la petite Victorine pour l’héritier d’un nom et d’une fortune, en présence de cette fierté puritaine du vieux Antoine, qui s’efforce d’étouffer l’amour de sa fille, on ne peut pas douter un instant du résultat que Sedaine a laissé prévoir et que j’ai osé montrer.

Maintenant, qu’on me reproche, si l’on veut, d’avoir mal interprété cette donnée, on aura peut-être raison ; mais, si l’on me dit que l’auteur du Philosophe sans le savoir, dans le cas où il aurait voulu faire une suite, n’aurait pas osé con-