Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/16

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paresseuse. Si vous étiez, comme moi, forcée de travailler quinze heures par jour, vous ne trouveriez pas le temps long.

VICTORINE.

Mais je ne trouve pas le temps long, je le trouve triste.

ANTOINE.

Triste ? Il fait un temps superbe… Victorine, je crois que tu deviens folle !

VICTORINE.

Et vous, mon papa, vous devenez sévère !… vous me parlez durement. (Elle se lève.) Voyons, qu’est-ce que vous avez donc contre moi depuis quelque temps ?

ANTOINE, attendri.

J’ai… j’ai… (sévèrement) j’ai que je n’ai pas le temps de m’occuper de vos vapeurs… de vos sottises… (Retournant à son bureau.) Voilà-t-il pas une fille bien à plaindre parce qu’on lui prépare un honnête mariage ! (Revenant, et fâché en voyant que Victorine pleure encore.) Allons, je veux savoir la cause de vos larmes, parlez !

VICTORINE.

Je vous jure, mon père, que je ne la sais pas moi-même. Je suis comme cela, j’ai des envies de pleurer, toujours plus souvent depuis que mon mariage est arrêté.

ANTOINE.

Vous ne voulez pas vous marier, parce que vous savez que je le veux. Est-ce cela ?

VICTORINE.

Je ne dis pas…

ANTOINE.

Vous n’aimez pas Fulgence ?

VICTORINE.

Mais si… je l’aime bien.

ANTOINE.

Non, non, vous ne le trouvez pas assez élégant, assez joli pour vous !

VICTORINE.

Oh ! il est bien assez élégant pour moi.