Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE DOCTEUR.

Ah ! oui-da ! (Rêveur.) Au fait ! (Mélancoliquement.) C’est possible !

PÉDROLINO.

C’est possible, que vous dites ?

LE DOCTEUR, se levant. Pédrolino, resté à genoux, se tourne sur lui-même en écoutant le docteur, à mesure que celui-ci change de place.

Et qu’est-ce que j’en sais, moi, au bout du compte ? Si vous n’étiez point enivré de la richesse, vous ne seriez pas un homme. (Faisant quelques pas et parlant à lui-même.) Ah ! sotte engeance humaine ! Serai-je encore dupe de tes apparences ? Je suis bien âne, après tout, de m’intéresser à ce jeune couple, qui, dans peu de jours, aura perdu sa vertu rustique ! Préserver l’innocence qui est une fleur si passagère, c’est vouloir garder un troupeau de cigales en plein champ ! Allons, allons, amoureux de village ! brouillez-vous, débrouillez-vous, je m’en moque !… Mais où sera passé ce notaire ?… Ah ! sans doute, mieux avisé que moi, il dîne sans m’attendre !… Allons, Pédrolino, mon garçon, sonde ta conscience, fais tes réflexions, et deviens, en somme, le moins malhonnête égoïste que tu pourras ! C’est ce que je puis espérer de mieux pour toi, pour tous mes semblables, et peut-être aussi pour moi-même, qui, sur ce, vais enfin dîner.

Il sort. On entend sonner une fanfare et on voit passer au fond du théâtre les valets du château, portant, dans des plats et dans de riches vases, les fruits et les fleurs d’un dessert splendide. Pédrolino reste à genoux, l’œil fixe et la bouche entr’ouverte, perdu dans des réflexions pénibles ; il a l’air d’une statue.