Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/256

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car tu n’as rien contre moi, et tu vas revenir tout de suite : dis, chère petite ! il le faut, vois-tu.

FLORA.

Et pourquoi ça ?

CAMILLE.

Tu le demandes ? Eh bien… pour moi d’abord ! pour que je ne meure pas de chagrin. Est-ce que tu ne m’aimes plus ? est-ce que tu n’aurais pas pitié de moi ?

FLORA.

Pitié de toi ! quelle ironie ! Ah ! qu’il y a de mépris dans ta douceur, ma pauvre Camille !

CAMILLE.

Du mépris ? est-ce à moi que tu dis cela ?

FLORA.

Eh bien, oui, c’est toi que je quitte, c’est toi que je fuis, c’est toi qui me tues !

CAMILLE.

C’est donc vrai ? ma sœur ! que tu me fais de mal ! Mon Dieu ! je croyais t’avoir si bien aimée ! Depuis le jour où notre mère nous laissa orphelines… j’avais douze ans… et j’avais déjà renoncé à vivre pour moi-même. Déjà je sentais que je me devais à toi tout entière ! Je comprenais bien que Nina, cet ange de dévouement et de courage, manquait parfois d’adresse pour te convaincre et te diriger. Je m’en attribuais davantage. Me suis-je donc trompée ? Où est le mot blessant, ou seulement froid, que je l’aie jamais dit ? Quel est celui de tes désirs, de tes caprices, que je n’aie pas contenté ? Flora ! voici la première fois que je remets sous tes yeux une vie de tendresse et d’abnégation que je t’ai consacrée… Ne prends pas cela pour un reproche ; c’est toi qui me forces à me justifier. Pardonne-le-moi ! Quand on supplie l’objet aimé, on ne veut pas être méconnu ; on a le droit de lui montrer qu’on le préfère à soi-même !

FLORA.

Eh bien, Camille, je veux le croire… Oui, tu m’aimes… oui, tu m’as toujours aimée. Mais tu n’as peut-être pas tou-