Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/49

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crois à votre sagesse… mais n’exigez pas… non ! je ne veux rien vous dire.

VANDERKE.

J’essayerai donc de deviner. Peut-être que votre condition ici vous semble trop médiocre, et que vous craignez de ne pouvoir pas bien élever une famille avec les honoraires…

FULGENCE.

Non, monsieur, non ! Voilà ce qui me mortifie : c’est que vous me supposiez des vues intéressées, quand c’est le contraire, quand je suis honteux… et, faut-il le dire, mécontent… blessé, de la dot que vous avez faite à Victorine aujourd’hui.

VANDERKE, l’étudiant avec attention.

Mécontent ! blessé ! pourquoi cela ? Ne savez-vous pas qu’Antoine est mon serviteur, mon compagnon et mon ami depuis trente ans ? que nous avons souffert et combattu ensemble ? qu’il m’a donné mille preuves de sa fidélité, de sa vertu ? enfin, que tout dernièrement, dans un duel qu’a eu mon fils, il voulait attaquer son adversaire et se faire tuer pour forcer celui-ci à prendre la fuite ? Vous trouvez surprenant, inquiétant pour votre honneur (il appuie sur ces mots) que je dote modestement la fille d’un tel homme ?

FULGENCE, à part.

Pour mon honneur !… Il semble lire dans mes pensées !

VANDERKE.

Eh bien, vous ne répondez pas ? Qu’y a-t-il là d’extraordinaire ?

FULGENCE, ébranlé.

Rien, monsieur, oh ! certainement rien. J’ai trop d’orgueil… mais que vous dirai-je (avec amertume) ? les bienfaits m’humilient !

VANDERKE.

Tant pis pour vous ! je n’aime pas qu’on se méfie sans sujet des bonnes intentions,

FULGENCE.

Sans sujet !…