Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/12

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faut donc, en tout, procéder autrement, et procéder autrement, ce n’est pas copier : c’est créer une seconde fois.

Je dois de vifs remercîments aux acteurs, ces interprètes qui sont eux-mêmes des créateurs et que l’auteur doit toujours associer au mérite d’un succès, à part égale, au moins à la sienne propre. Mademoiselle Fernand, noble, belle et d’une grâce exquise, et M. Brésil, talent jeune et fougueux, nature puissante, présentent des types et des caractères que le public a cru reconnaître. M. Barré, simple et touchant dans le rôle de Patience, a conquis à la pièce toutes les sympathies de l’auditoire. J’ai déjà, envers cet artiste de premier ordre, plusieurs dettes de gratitude à acquitter. Il a été parfait dans le rôle du séducteur rustique de Claudie, et admirable après M. Deshayes, ce qui paraissait impossible, dans celui de Jean Bonnin du Champi. M. Fleuret, dans Marcasse, est grand peintre et acteur excellent. Cette composition le placera désormais, j’espère, au rang qui lui est dû. Quant à M. Ferville, un talent aussi éprouvé que le sien ne pouvait qu’honorer l’œuvre à laquelle il a bien voulu s’associer. M. Talbot est un esprit souple, une physionomie mobile et fine qui sait prendre tous les aspects. Pour qui l’a vu effrayant dans l’apparition de Jean le Tors, il y a plaisir et surprise à le voir dans les pères de la comédie de Molière présenter un masque impassible d’étonnement et de crédulité. M. Rey est une âme et une figure énergiques, qui a su faire un grand rôle du très-court rôle de Léonard. MM. Saint-Léon, Harville et Saint-Germain, enfin mademoiselle Antheaume, m’ont apporté l’assistance de talents très-supérieurs à l’importance de leurs rôles, et ce n’est pas ceux-là que l’on doit remercier le moins.

Quant aux directeurs de l’Odéon, qui ont monté la pièce avec tant de magnificence et composé la mise en scène avec tant de goût, je les remercie comme artiste autant que comme ami.

G. S.

Nohant, le 12 décembre 1853.