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FLAMINIO


COMÉDIE EN TROIS ACTES ET UN PROLOGUE


Gymnase-Dramatique. — 31 octobre 1854.




J’ai fait autrefois un roman intitulé Tévérino, qui ne contenait qu’une situation, une journée : la rencontre d’un bohémien par une femme du grand monde, un instant d’amour de cette femme pour le bohémien, puis l’effroi, la honte, le repentir, et enfin une sorte d’estime pour ce caractère étrange, développé en causeries d’art et de sentiment. J’ai repris cette idée, ce type d’aventurier, cette situation, pour faire une sorte de prologue scénique, après lequel j’ai fait une pièce en trois actes, où le caractère de l’homme se transforme et s’ennoblit par l’amour, où celui de la femme (changé dès le prologue) se développe dans le sens de l’amour exclusif et chaste. J’y ai ajouté des types nouveaux, enfin j’ai continué ma fantaisie en la faisant même très-différente, dès le début de la pièce, de ce qu’elle m’était apparue à la fin du roman. Probablement, à l’époque où me vint ce roman, il y a une dizaine d’années, je n’aurais pas osé continuer et idéaliser l’amour de lady Sabina pour Tévérino. Je ne l’aurais pas osé dans ma pensée ; mais ma pensée a changé ou marché, puisque, aujourd’hui, je l’ai osé dans ma pièce, bien que le théâtre soit un terrain plus difficile à fouler délicatement que le roman.

Je ne me pique d’aucune habileté, et j’aime beaucoup celle des autres ; car plus j’avance dans la vie, moins je sens en moi de parti pris pour ou contre les manières, les écoles, les règles, les modes. Je me laisse aller à aimer tout ce qui me plaît, sans vouloir qu’on me dise si c’est bien ou mal fait se-