Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/147

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FLAMINIO.

Je suis étranger, j’en peux faire bien d’autres !

SARAH, quittant son bras et remontant vers le banc à gauche.

Tâchez de ne faire que celle-là.

FLAMINIO, à part.

Aïe ! ce monsieur m’a placé sur un trébuchet ! Tâchons d’y voltiger sans culbute. (Haut.) Soyez tranquille, signora ; je peux écorcher le français sans danger ; car, si j’osais vous parler d’amour, comme je disais tout à l’heure (contrairement à la grammaire des convenances), vous ne vous en fâcheriez pas.

SARAH.

Ah ! vous croyez ?

FLAMINIO.

Non certes, car ce ne serait pas en riant et en m’efforçant de vous faire rire. Ce ne serait pas non plus en jouant au drame ou au roman pour vous persuader. Enfin, ce ne serait pas avec la brusquerie perfide d’un homme qui espère surprendre. Ce serait avec une émotion si profonde… un effroi si sincère… Tenez ! je ne sais pas du tout ce que je vous dirais, et je crois que je ne vous dirais rien d’intelligible. Il est donc certain que vous n’auriez point à vous courroucer.

SARAH.

À la bonne heure. Mais le mieux serait de ne me rien dire, surtout… après dîner !

FLAMINIO.

Ah ! signora, si j’étais un peu excité, un peu fou, il y a deux minutes, me voilà bien tristement philosophe à l’heure qu’il est, et tout disposé à généraliser. (Voyant que Gérard l’écoute.) Je suis parfaitement dans mon bon sens, et je dirai que l’amour est la grande science de la vie.

SARAH.

Il parait que vous avez beaucoup étudié cette science-là ?

FLAMINIO.

Pas plus que les autres. Je la devine tout en y rêvant parfois. Je n’appelle pas amour ce qui occupe quelques jours,