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Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/242

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de toi, surtout ! On dira le baron Keller de Muhldorf et le jeune baron Muhldorf Keller…

HERMAN.

Et pourtant, si vous vouliez bien penser comme moi, nous ne prendrions de titres ni l’un ni l’autre.

KELLER.

Pourquoi donc, puisque celui-là nous appartient par droit de succession ?

HERMAN.

Permettez, mon père : mon grand-oncle maternel était de noble race. Il était bien, lui, de père en fils, le baron de Muhldorf ; mais nous, bourgeois de père en fils, nous qu’il connaissait fort peu, et qui nous trouvons, par rencontre, alliés à sa noblesse, sachons nous contenter d’une fortune sur laquelle nous ne comptions guère, et n’ayons pas l’air de vouloir usurper…

KELLER, fâché.

Bien !… te voilà déjà orgueilleux, toi !… Tu méprises donc la condition de ton père ? tu crois donc qu’un négociant n’est pas digne de devenir baron ?

HERMAN.

Je m’explique donc bien mal ; car je pense, au contraire, que c’est pour nous un assez beau titre que celui d’honnête commerçant, et c’est pour cela que je ne tiendrais pas à en effacer le souvenir.

KELLER.

Laissons cela. As-tu bientôt fini ? On dirait que tu comptes te faire libraire ?


HERMAN, se levant.

Si vous avez quelque chose à m’ordonner…

KELLER.

Non, rien… Ah ! dame ! je suis actif, moi ! Levé avant le jour, j’ai déjà visité mes domaines ; je peux dire qu’en trois matinées, je me suis mis au courant de tout ici, comme si j’y étais depuis trois ans. Tiens, je sais déjà, à un thaler près, la valeur et le produit, année moyenne, de chaque pré, bois,