Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/314

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testable. Je me suis chargé avec plaisir de vous mettre brutalement, oui, brutalement à la porte de cette maison, avec défense d’y jamais rentrer… Comment ? Quoi ?… Taisez-vous ! Non ! Vous ne méritez pas le moindre égard ; vous n’êtes pas une femme, vous êtes un démon, oui, un démon, et pour un peu… Mais je ne veux pas me mettre en colère. (Il ferme la porte et entre. À Daniel.) C’est vous qui êtes Daniel, le domestique, le garde-chasse de feu M. Desvignes ?

DANIEL.

Oui, monsieur ; et vous, vous n’êtes pas M. Adrien Desvignes, ou vous auriez bien changé ! Vous avez même l’air… Anglais, je crois.

STÉPHENS.

Anglais ? Oh ! non, Américain ! citoyen des États-Unis. J’en arrive avec Adrien ; je suis son ami, et je le précède.

DANIEL.

Ainsi, c’est bien vrai, il vit et il revient ?

STÉPHENS.

Vous en doutez ?

DANIEL.

Dame ! je croyais… On le disait mort !… Et vous chassez Charlotte, c’est bien vu ; ça ne me gêne pas.

STÉPHENS.

Oui, Charlotte, la servante-maîtresse du défunt ; Charlotte, l’intrigante et la langue maudite ; Charlotte, la… Je ne veux rien dire de plus… Je m’emporterais au-delà de toute limite.

DANIEL.

Et moi, faut-il m’en aller aussi ? (Il pose son fusil près de la porte vitrée.) Si je vous gêne ?

STÉPHENS.

Vous, monsieur Daniel, vous à qui Adrien garde un si tendre souvenir, et qui lui avez prouvé tant d’affection !

DANIEL.

Souvenir… affection… ça dépend ! Et Lucie ?