Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/319

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LUCIE, pleurant.

Non, Daniel, ma mère ne veut plus de moi. Vous savez comme elle est… singulière avec moi depuis la mort… Eh bien, je viens de la rencontrer comme elle sortait d’ici. Elle s’installait dans le village, j’ai voulu la suivre, elle m’a repoussée… Oh ! bien durement ! « Deviens ce que tu pourras, m’a-t-elle dit, je n’ai plus le moyen de te garder. Tu es en âge de travailler ; dis à Daniel de te chercher une place. » Je suis revenue ici, moi ! l’habitude !… Et puis je me flattais que… monsieur voudrait, bien me permettre de le servir… mais je vois… Conduisez-moi, mon bon Daniel, dans quelque ferme où je pourrai gagner ma vie.

STÉPHENS.

Vous, dans une ferme ? Vous si belle, si délicate !… C’est effroyable à penser, c’est révoltant ! c’est impossible !

ADRIEN.

Oui, c’est impossible ! Restez, mademoiselle, restez ici, jusqu’à ce que vous ayez trouvé des occupations convenables à l’éducation que vous avez reçue.

LUCIE.

Non, non ! vous m’accusez…

ADRIEN, se levant.

Eh non !… Ce n’est pas vous que j’accuse. Vous pouvez… vous devez être étrangère au mal dont je me plains. Mais il est impossible que votre mère vous abandonne sérieusement. Sa colère contre moi ne peut retomber sur vous. Elle ne tardera sans doute pas à vous envoyer chercher. Gardez votre appartement chez moi, jusqu’à ce que votre sort se décide… Je vous en prie !

DANIEL

Allons ! merci pour elle, monsieur Adrien. Elle est toute gênée, toute suffoquée ! Venez, mademoiselle Lucie ; tout s’arrangera, allez !

Il l’emmène par la porte vitrée.