Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/37

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BERNARD.

Tenez !… (Il va pour lui donner son couteau et s’arrête.) Non ! je ne le peux pas, Edmée !… Je suis fou !… (La pressant dans ses bras.) Je crois rêver !… Écoutez ces cris ! on se bat, on s’égorge à deux pas de nous ! Et moi qui n’aimais rien au monde que la bataille et le danger, je suis là comme un poltron. Je ne pense à rien… qu’à vous ! Eh bien, aimez-moi, vous le devez, promettez-moi de m’appartenir… et fuyons !

EDMÉE.

Fuir ? nous pouvons fuir ?

BERNARD.

Oui, à l’instant même, rien n’est plus aisé. Ils croient que je ne connais pas leur secret, mais je l’ai découvert ; voyez… (Il dérange le tonneau qui est adhérent à son patin, pousse un ressort et ouvre une trappe. Bruit du combat ) Ah ! je suis un traître !… Fuir… abandonner la Roche-Mauprat au milieu d’un assaut ? Non, jamais ! Tiens, pauvre fille ! va-t’en… adieu !

EDMÉE.

Oh ! Bernard, mon sauveur, mon ami !

BERNARD, lui donnant un flambeau et une clef.

Laissez-moi… ne me parlez plus, partez ! Descendez toutes les marches, suivez le souterrain… Cette clef ouvre la dernière porte, qui donne dans la campagne. Alors, si vous savez courir, courez, et que Dieu ou le diable vous conduise ! Moi, je vous ai vue aujourd’hui pour la première et pour la dernière fois de ma vie !… Si vous croyez que j’ai une âme, vous me direz des prières !

EDMÉE, tenant le flambeau, prête à descendre.

Nous nous reverrons, Bernard !

BERNARD.

Jamais ! Si nous avons le dessous, je serai pris et jugé avec mes oncles ; si c’est le contraire, je serai jugé par eux pour vous avoir fait sauver… Le plus sûr est d’aller me faire tuer tout de suite. Adieu, Edmée !

EDMÉE, remontant les marches qu’elle a commencé à descendre.

Eh bien, non, vous n’irez pas ! votre sang retomberait sur