Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grettiez de n’y pouvoir compter. J’ai voulu voir si vous seriez jaloux du prétendant, j’ai été aimable, et à présent…

— À présent ! s’écria madame André, il est heureux, car il avait beau me le cacher, je le devinais bien, moi, son ennui, et pourquoi il disait tant de mal de lui-même !

— Mais, je ne te vaux pas, Marianne, dit Pierre avec un dernier sentiment d’épouvante ; je ne te mérite pas ! tu es un être adorable, et je suis…

— Ne dites pas ce que vous pensez de vous, reprit vivement Marianne ; vous avez assez dit devant moi tout ce que vous pouviez imaginer pour me décourager de vous aimer, vous n’avez pas réussi. C’était mon idée depuis six ans. Je ne croyais pas, quand j’ai commencé à penser à vous, que vous seriez si longtemps sans revenir. Je vous attendais toujours, moi, avec cette patience de paysan qu’on apprend chez nous dès l’enfance ; mais votre retour m’avait découragée, car je voyais bien que vous vous défendiez d’aimer, et sans votre carnet j’aurais cru que tout était fini pour moi. J’ai repris courage en voyant que vous songiez à moi malgré vous, et puis, ce matin,… j’ai vu deux larmes dans vos yeux. Allons, convenons-en, que nous nous aimons et qu’à présent il nous serait impossible de vivre l’un sans l’autre.