Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/46

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et, l’ayant installée dans un fauteuil, je l’écoutai.

— Je m’appelle Alix Dumont. J’appartiens à une famille honorable, mais pauvre, qui m’éleva dans l’amour du travail. J’ai été professeur dans divers pensionnats de jeunes filles. À vingt-huit ans, j’entrai comme institutrice chez la comtesse de Nives pour faire l’éducation de Marie, sa fille unique, alors âgée de dix ans.

Madame de Nives me témoigna beaucoup d’estime et de confiance. Sans ses bontés, je n’eusse pu supporter le caractère indiscipliné et l’humeur fantasque de Marie. C’était une enfant sans raison et sans cœur, que personne n’avait pu réduire. Cette triste besogne me fut très-pénible, et quand, deux ans plus tard, madame de Nives mourut en me recommandant sa fille, je suppliai le comte de Nives de m’épargner une tâche au-dessus de mes forces ; je voulus partir.

Il me retint, il me supplia, il me dit que sans moi sa vie était brisée et sa fille abandonnée aux hasards d’une éducation qu’il ne saurait pas diriger. Je dus céder. Il me mit à la tête de sa maison, et Marie, qui s’était vue menacée d’entrer dans un couvent si je la quittais, se contint davantage et me supplia aussi de rester.

» Au bout d’un an de veuvage, le comte de