Page:Sand - Valvèdre.djvu/11

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— Elle avait cinq ans dans ce temps-là, me dit madame Obernay ; vous pensez qu’elle est bien changée ! Pourtant elle passe pour une belle personne. Elle ressemble à son père, qui n’est pas trop mal pour un homme de cinquante-cinq ans. Rosa est moins bien ; elle me ressemble, ajouta en riant l’excellente femme, encore fraîche et belle ; mais elle est dans l’âge où l’on peut se refaire !

Henri Obernay était parti en tournée de naturaliste avec un ami de la famille. Il explorait en ce moment la région du mont Rose. On me montra une lettre de lui toute récente, où il décrivait avec tant d’enthousiasme les sites où il se trouvait, que je me décidai à aller l’y rejoindre. Déjà familiarisé avec les montagnes et parlant tous les patois de la frontière, il me serait un guide excellent, et sa mère assurait qu’il allait être heureux d’avoir à diriger mes premières excursions. Il ne m’avait pas oublié, il avait toujours parlé de moi avec la plus tendre affection. Madame Obernay me connaissait comme si elle ne m’eût jamais perdu de vue. Elle savait mes penchants, mon caractère, et se rappelait mes fantaisies d’enfant, qu’elle me racontait à moi-même avec une bonhomie charmante. En voyant qu’Henri m’avait fait aimer, je jugeai avec raison qu’il m’aimait réellement, et mon ancien attachement pour lui se réveilla. Après vingt-quatre heures passées à Genève, je me renseignai sur le lieu où j’avais bonne chance de le rencontrer, et je partis pour le mont Rose.