Page:Sand - Valvèdre.djvu/117

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promenions au bord du torrent, Paule s’éloignant souvent avec le guide pour chercher des plantes et satisfaire son ardeur de locomotion, je pressai madame de Valvèdre de questions aigres et de réflexions désespérées. Elle se vit alors entraînée et comme forcée à me parler de son mari, de son intérieur, et à me raconter sa vie.

— J’ai passionnément aimé M. de Valvèdre, dit-elle. C’est la seule passion de ma vie. Paule vous a dit qu’il était parfait : eh bien, oui, elle a raison, il est parfait. Il n’a qu’un défaut, il n’aime pas. Il ne peut, ni ne sait, ni ne veut aimer. Il est supérieur aux passions, aux souffrances, aux orages de la vie. Moi, je suis une femme, une vraie femme, faible, ignorante, sans valeur aucune. Je ne sais qu’aimer. Il fallait me tenir compte de cela et ne pas me demander autre chose. Ne le savait-il pas, lorsqu’il m’épousa, que je n’avais ni connaissances sérieuses, ni talents distingués ? Je n’avais pas voulu me farder, et c’eût été bien en vain que je l’eusse tenté avec un homme qui sait tout. Je lui plus, il me trouva belle, il voulut être mon mari afin de pouvoir être mon amant. Voilà tout le mystère de ces grandes affections auxquelles une jeune fille sans expérience est condamnée à se laisser prendre. Certes, l’homme qui la trompe ainsi n’est pas coupable de dissimulation. Aveuglé, il se trompe lui-même, et son erreur porte le châtiment avec elle, puisque cet homme s’enchaîne à jamais, sauf à s’en repentir plus tard. Valvèdre s’est repenti à coup sûr :