Page:Sand - Valvèdre.djvu/19

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il s’enquérait de tout et ne laissait pas tomber la conversation un seul instant.

Comme il me fit, dès le premier moment, l’honneur d’être très-communicatif, je sus bien vite qu’il se nommait Moserwald, qu’il était assez riche pour se reposer un peu des affaires, et qu’il voyageait en ce moment pour son plaisir. Il venait de Venise, où il s’était plus occupé de jolies femmes et de beaux-arts que du soin de sa fortune ; il se rendait à Chamounix. Il voulait voir le mont Blanc, et il passait par le mont Rose, dont il avait souhaité se faire une idée. Je lui demandai s’il était tenté d’en faire l’escalade.

— Non pas ! répondit-il. C’est trop dangereux, et pour voir quoi, je vous le demande ? Des glaçons les uns sur les autres ! Personne n’a encore atteint la cime de cette montagne, et il n’est pas dit que la caravane partie cette nuit en reviendra au complet. Au reste, je n’ai pas fait beaucoup de vœux pour elle. Arrivé à dix heures hier au soir et à peine endormi, j’ai été réveillé par tous les gros souliers ferrés du pays, qui n’ont fait, deux heures durant, que monter et descendre les escaliers de bois de cette maison à jour. Tous les animaux de la création ont beuglé, patoisé, henni, juré ou braillé sous la fenêtre, et, quand je croyais en être quitte, on est revenu pour chercher je ne sais quel instrument oublié, un baromètre et un télégraphe ! Si j’avais eu une potence à mon service, je l’aurais envoyée à ce M. de Valvèdre, que Dieu bénisse ! Le connaissez-vous ?