Page:Sand - Valvèdre.djvu/242

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venait lancer par-dessus le mur et que je lui renvoyais avec mon message. L’impunité nous avait rendus téméraires. Un matin, réveillé comme d’habitude avec les alouettes, je reçus mon trésor accoutumé, et je lançai ma réponse anticipée ; mais tout aussitôt je reconnus qu’on marchait dans l’allée, et que ce n’était plus le pas furtif et léger de la jeune confidente : c’était une démarche ferme et régulière, le pas d’un homme. J’allai regarder à la fente du mur ; je crus, dans le crépuscule, reconnaître Valvèdre. C’était lui en effet. Que venait-il faire chez les Obernay à pareille heure, lui qui avait auprès d’eux son domicile solitaire ? Une jalousie effroyable s’empara de moi, à ce point que je m’éloignai instinctivement de la muraille, comme s’il eût pu entendre les battements de mon cœur.

J’y revins aussitôt. J’épiai, j’écoutai avec acharnement. Il semblait qu’il eût disparu. Avait-il entendu tomber le caillou ? Avait-il aperçu Bianca ? S’était-il emparé de ma lettre ? Baigné d’une sueur froide, j’attendis. Il reparut au bout de dix minutes avec Henri Obernay. Ils marchèrent en silence, jusqu’à ce qu’Obernay lui dît :

— Eh bien, mon ami, qu’y a-t-il donc ? Je suis à vos ordres.

— Ne penses-tu pas, lui répondit Valvèdre à voix haute, qu’on pourrait entendre de l’autre côté du mur ce qui se dit ici ?

— Je n’en répondrais pas, si l’endroit était habité ; mais il ne l’est pas.